Quelles bonnes pratiques pour réussir le retour au travail des jeunes parents ?

Le code du travail prévoit qu’à l’issue d’un congé lié à la parentalité, la ou le salarié∙e « retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente ». C’est le cas à l’issue du congé d’adoption (article L1225-43), du congé maternité (article L1225-25), du congé paternité ou congé second parent (article L1225-36) et du congé parental d’éducation (article L1225-55). Derrière cette garantie de retrouver leur travail, inscrite dans la loi, les jeunes parents sont souvent confrontés à des situations plus complexes que ne le laisse présager cette courte phrase.

Du côté des parents, il faut en effet composer avec un certain nombre de facteurs : une nouvelle organisation familiale qui se met en place (avec la recherche d’un mode de garde notamment), la réintégration dans un environnement professionnel qui aura peut-être subi des changements ou qui représentera de nouvelles contraintes en termes de conciliation vie professionnelle - vie personnelle, etc.

Dans un premier article, Laure Squarcioni, docteure en science politique et manager au sein d'EQUILIBRES, aux côtés de Pauline Touré, psychologue clinicienne, psychologue ergonome et consultante senior au sein du cabinet Stimulus, partagent avec vous les principaux enjeux de ce type de transition, identifiés notamment à travers les retours d’expérience sur l’accompagnement de ce type de transition recueillis auprès d’une cinquantaine de salarié·es, parents et non parents, issus de différents horizons.

Dans ce second article, elles vous proposent, plusieurs pistes d’actions, accessibles et allant au-delà des dispositions légales en vigueur, à intégrer dans une démarche de ré-onboarding.

Outre les obligations légales auxquelles l’employeur est soumis et les contributions financières au mode de garde de l’enfant qu’il peut proposer, il existe des actions pleinement accessibles pour faciliter le retour au travail des jeunes parents. Ces actions impliquent différents acteurs, à leur échelle, et visent à créer un environnement de travail convivial, inclusif et soutenant pour les salarié∙es qui vivent cette transition.

Que vous soyez manager, responsable des ressources humaines, représentant du personnel, médecin du travail ou encore collègue, nous vous invitons à vous inspirer des pistes d’action proposées pour améliorer, à votre niveau, la réintégration des salarié.es jeunes parents qui vivent cette transition au sein de votre entreprise.

Pour aller plus loin, nous vous invitons à construire et mettre en place (ou de soumettre l’idée au sein de votre entreprise) un véritable parcours structuré de ré-onboarding pour accompagner ces transitions. Cela aura pour avantage de sensibiliser chaque acteur et actrice au rôle qu’il et elle peut jouer dans le cadre de cet accompagnement et de renforcer la politique d’inclusion au travail de votre entreprise.

Les différentes actions qui peuvent être faites en avant-reprise

  • Avant le congé, anticiper la continuité de l’activité: organiser la passation des tâches du collaborateur ou de la collaboratrice en l’impliquant bien entendu lorsque cela est possible.
  • Donner de la visibilité sur le processus de ré-onboarding: expliquez-lui quelles seront les actions qui pourront ou seront mises en place à son retour (entretiens, ré-accueil progressif, flexibilité, etc.) et l’interroger sur ses besoins.
  • Proposer de garder un lien: si la personne n’y voit pas d’inconvénient, prendre de ses nouvelles de façon régulière.
  • Préparer son retour avec quelques semaines d’avance si cela est possible : informez les membres de son équipe ainsi que l’ensemble des collaborateurs et collaboratrices de la date de son retour afin qu’ils et elles se préparent à ré-accueillir la personne comme il se doit. Commencer à prévoir les différents jalons du ré-accueil et mobiliser les différentes parties-prenantes.

Les différentes actions qui peuvent être faites au moment du ré-accueil et par la suite

    • Être ré-accueilli∙e en personne le jour de son retour : par sa ou son manager ou une personne identifiée comme étant « référente ».
    • Organiser un ou des moments de ré-accueil conviviaux : Le ré-accueil est un événement d'équipe qui se fête. L’équipe peut marquer cet événement en organisant un moment convivial de bienvenue (exemple : petit-déjeuner, repas, pot). L’entreprise peut également envoyer un message de ré-accueil. Ces actions représentent des marques de considération et mettent en valeur l’importance que l’entreprise porte au/à la salarié∙e et à cet événement.
    • L’entretien de ré-accueil : l’entretien de ré-accueil marque le début de ce suivi de réintégration.
      • Il constitue un espace propice permettant d’être à l’écoute des besoins, des motivations, des envies et des contraintes du ou de la salarié∙e pour trouver le bon équilibre dans l’accompagnement de cette transition.
      • Il sera aussi l’occasion de définir les jalons de cette reprise et des objectifs réalistes des prochains mois de façon concertée.
      • En outre, il sera important d’aider la ou le collaborateur∙rice à mieux appréhender les faits marquants, ainsi que tout changement pouvant la ou le concerner, à l’échelle de l’équipe et de l’entreprise.
      • Il sera également utile de l’informer des relais internes vers lesquels il est possible de s’orienter en cas de besoins, des dispositifs existants, tels que l'aide à l'obtention d'une place en crèche, le financement de CESU, des jours pour enfant malade dont il est possible de se saisir, etc. Les représentants du personnel peuvent également avoir leur rôle à jouer dans ce cadre.
  • Du fait de ses implications, cet entretien est généralement réalisé par la ou le manager, mais d’autres acteurs peuvent y prendre part si cela s’avère pertinent. Cet entretien de ré-accueil et le suivi qui en découlera n’ont pas pour objectif de remplacer l’entretien professionnel prévu par la loi dans certains cas et décrit ci-dessous.
  • Les mesures d’accompagnement : dans l’objectif de favoriser une reprise qui tienne mieux compte de la situation de la personne et lui laisse le temps de trouver les bons compromis pour concilier les différents rythmes avec lesquels elle se doit à présent de composer, nous vous invitons à envisager la mise en place de certaines mesures. Par exemple : offrir une certaine flexibilité sur les horaires, le télétravail, la limitation des déplacements, et un dispositif de reprise progressive sans dégradation de la rémunération du ou de la salarié∙e, veiller à ce que les conditions soient réunies pour que l’allaitement puisse se poursuivre, etc.
  • Le suivi de réintégration : Par la suite, il sera important de prévoir des points d'étape réguliers pour débriefer ensemble sur le déroulement de la réintégration, être à l’écoute des rapports d’étonnement du ou de la collaboratrice et identifier et mettre en œuvre des ajustements si nécessaire.
  • L’entretien professionnel : cet entretien doit obligatoirement être proposé aux salarié∙es de retour de congé maternité, de congé d’adoption ou de congé parental. Au cours de cet entretien, plusieurs sujets doivent être abordés : l’évolution professionnelle du ou de la salarié∙e, les questions relatives au suivi des actions de formation, de certification et de progression salariale ou professionnelle du ou de la salarié·e, l’évaluation de son employabilité ainsi que la réflexion sur son avenir, le poste occupé et son projet professionnel. L’objet de cet entretien est de faire un état des lieux du parcours professionnel du ou de la salarié∙e et d’envisager l’avenir. Cet entretien peut être réalisé par la∙le manager de proximité ou la∙le responsable des ressources humaines.
  • Une communication bienveillante : on l’a vu à travers les stéréotypes existants sur la parentalité, les remarques ou phrases culpabilisantes sont encore trop fréquentes et ont un effet délétère sur la santé psychologique des personnes. Dans une étude de 2019 du CSEP (1), près d’1/3 des femmes interrogées estimaient que l’annonce de leur grossesse a dérangé leur manager (29%), mais aussi leurs collègues (13%). Sensibiliser l’écosystème professionnel à l’importance de ce moment de ré-accueil passe par une attention particulière à la manière de communiquer au travail.
  • Un accompagnement quotidien : L'implication de l'équipe dans l'entraide quotidienne est essentielle pour assurer un soutien constant, opérationnel mais également social. Il est également possible d’identifier un parrain ou une marraine afin d’accompagner le ou la salarié∙e à la reprise de ses marques.

Par ailleurs, ce travail sur le ré-accueil et la réintégration peut être mis à profit de toutes les situations à accompagner en entreprise, hors parentalité, pour réaccueillir une personne, par exemple en cas de retour après une maladie longue

Quelques actions plus globales

En parallèle de la structuration d’une démarche de réintégration, d’autres actions peuvent également être utiles, notamment pour ouvrir la parole et normaliser ce sujet, ainsi que d’y sensibiliser et accompagner les différentes parties prenantes.

  • Création d'un groupe de soutien : ouvrir un ou des espaces de dialogue sur la parentalité afin de donner de la visibilité à cette thématique à fort enjeu au sein de l’entreprise et de renforcer le soutien et l’aide aux jeunes parents, par exemple par d’autres parents.
  • Accompagner les managers dans leur rôle: formaliser un guide d’entretien, former et accompagner les managers dans le suivi de réintégration des salarié.es jeunes parents, les conseiller au besoin.

 

En conclusion, pour accompagner les jeunes parents, le développement des pratiques inclusives de réintégration qui mobilisent les différents acteurs au sein de l’entreprise doit être de mise. Vous l’aurez compris au fil de cet article, le besoin primordial des salarié∙es jeunes parents de retour au travail consiste en la considération de plusieurs aspects : la considération des potentielles difficultés de la transition qu’ils et elles vivent, de leurs besoins, de leurs capacités et de leurs contraintes.

Et pour accompagner au mieux cette transition non négligeable, le premier pas est de reconnaitre l’importance de ce moment dans le parcours et la carrière des salarié∙es.

Laure Squarcioni

Manager EQUILIBRES

Pauline Touré

Pauline Touré

Consultante senior Stimulus

SOURCE

  1. Etude du Conseil Supérieur à l’égalité professionnelle (CSEP) et BVA en 2019, intitulée « Prendre en compte la parentalité au travail ».