Lever le tabou de l’endométriose au travail, une nécessité pour la santé des femmes – Courrier Cadres

Jusqu'à récemment, l'endométriose était assez peu connue du grand public. Elle est devenue un sujet de santé publique à part entière en janvier 2022, date à laquelle le gouvernement a présenté une stratégie nationale pour apporter une réponse à cette
problématique qui concerne en France 1 femme sur 10 en âge de procréer. Les manifestations de la maladie et l’impact sur le travail diffèrent, certes, en fonction des femmes, mais sont bien réels et ne doivent pas être sous-estimés. Découvrez l'éclairage d'Emilie Fréchet, consultante au sein du cabinet EQUILIBRES (groupe Human & Work).

On sait aujourd’hui qu’un tiers des endométrioses se stabilisent et permettent une vie quasi-normale, tandis que les deux tiers restants évoluent et peuvent conduire à des formes plus graves entrainant un réel impact sur le travail.

Quels peuvent être les impacts de l’endométriose sur le travail ?

65 % des femmes atteintes d’endométriose reconnaissent un impact négatif de la maladie sur leur quotidien professionnel. Elles notent, entre autres, une diminution de leur capacité de travail et de concentration – liée aux douleurs qui entrainent une fatigabilité – et un niveau de stress plus élevé – celui peut-être par exemple lié au fait de devoir choisir entre un imprévu professionnel et un rendez-vous médical pris de longue date pour le suivi.

Face à ces conséquences, comment agir ?

La personne atteinte d’endométriose peut prendre rendez-vous avec la médecine du travail. Dès lors que notre santé impacte notre quotidien au travail, il est possible de rencontrer son médecin du travail à n’importe quel moment, ce dernier étant bien entendu soumis au secret médical. Il pourra proposer des aménagements, du type : aménagement du poste de travail (chaise de bureau plus ergonomique, bureau à proximité des toilettes), aménagement d’horaires (on sait que les crises d’endométriose se produisent souvent la nuit et rendent le sommeil difficile), possibilité d’effectuer du télétravail, changement de poste en interne si le poste actuel demande des efforts physiques trop importants…

Demander une reconnaissance de travailleur·se handicapé·e (RQTH) en remplissant le dossier adéquat avec son médecin traitant. Obtenir une RQTH sera la meilleure façon de bénéficier d’aménagements de poste et d’horaire.

Demander un mi-temps thérapeutique qui peut aider pour un meilleur retour dans l’entreprise si l’on a connu une période de maladie ou de chirurgie. Ce mi-temps thérapeutique se base sur une proposition du médecin traitant et après avis du médecin conseil de la Sécurité sociale. L’employeur doit par ailleurs donner son accord. Le salaire est perçu au prorata du temps de présence, complété par les indemnités journalières de la Sécurité sociale pour avoir un salaire plein.

Les entreprises peuvent également aider les salariées atteintes d’endométriose, la stratégie nationale annoncée par le gouvernement en janvier 2022 insiste notamment sur la nécessité de former les professionnel·les de santé et de financer davantage la recherche médicale à ce sujet, mais ne mentionne pas la place que doivent occuper les entreprises, qui est pourtant essentielle. Comment donc peuvent-elles soutenir leurs salariées atteintes d’endométriose ?

Communiquer sur cette thématique, et plus largement sur les handicaps invisibles. Rappeler ce qu’est un handicap invisible et quels sont les exemples d’aménagement de postes dont peuvent bénéficier les salarié·es reconnu·es travailleur·se handicapé·es. Rappeler également qui sont les acteur·rices clé·es sur le handicap et les maladies invalidantes dans l’entreprise (ambassadeur·rices, référent·es…). La stratégie de communication peut aussi prendre la forme d’une sensibilisation à destination de l’ensemble des salarié·es : l’association EndoFrance organise des séances d’échanges et informations sur l’endométriose.

Créer des groupes de travail autour de l’inclusion des personnes porteuses d’un handicap ou d’un handicap invisible : comment l’entreprise peut-elle s’améliorer ? Quelles initiatives peut-on mettre en place ?

Ajuster l’organisation et les conditions de travail : proposer des chaises ergonomiques à tous·tes les salarié·es sur site et en télétravail, faire preuve de flexibilité en facilitant le télétravail a minima un certain nombre de jours par semaine si cela est possible, créer une salle de repos (cet espace peut être très pratique le temps qu’un médicament agisse par exemple !), s’assurer que les toilettes de votre entreprise sont équipées de protections hygiéniques, donner la possibilité aux salariées atteintes de règles invalidantes de bénéficier d’un congé menstruel.

 

A ce sujet, une proposition de loi sur le congé menstruel a été adoptée en Espagne en février 2023. En France, plusieurs parlementaires français du camp socialiste et écologiste ont déposé un projet de loi en ce sens, pour une durée variant de deux jours par mois à treize jours par an, sans perte de salaire, après octroi d’un certificat médical. Pour l’instant, le projet a été écarté par le Sénat, mais cela n’empêche pas un certain nombre d’entreprises et d’organisations publiques d’intégrer ce congé spécial dans leur politique RH. C’est le choix qu’ont fait par exemple l’entreprise Goodays et la municipalité de Saint-Ouen, qui constatent qu’il n’y a pas d’abus depuis sa mise en
place. Chez Goodays, « sur les 40% de femmes qui composent les 100 salariés de l’entreprise, cinq ont demandé à en bénéficier, ce qui correspond environ au ratio de 10% de femmes sur la population française qui souffrent d’endométriose », constate Xavier Molinie, le CEO de Goodays.

 

Les entreprises ont donc tout intérêt à s’emparer du sujet de l’endométriose, en accompagnant leurs salariées via une politique RH inclusive et innovante, au service du leur bien-être physique et mental. Ce type d’initiatives favorise l’engagement des collaborateur·rices et la motivation au travail, et par extension la performance globale de l’entreprise.

Tribune publiée par Courrier Cadres, et rédigée par

Emilie Fréchet

Consultante EQUILIBRES