En finir avec la « zone grise » du consentement

Le consentement est une notion qui suscite de nombreuses questions durant nos formations tant elle paraît floue pour nos participant·es. Nous échangeons souvent sur les difficultés à expliquer ses contours et sur le fait qu’il s’agirait surtout d’une question de perception, de ressenti. Comment savoir s’il y a consentement ? N’y aurait-il pas des « zones grises » ?

Le consentement est une condition déterminante dans la qualification de nombreuses violences, il s'avère donc indispensable de partager une conviction commune sur ce que c’est ou ce que ce n’est pas. Cependant, consentir ne veut pas toujours dire désirer, nous pouvons consentir pour d’autres motivations. Dès lors, il apparaît essentiel de renforcer nos capacités à exprimer notre consentement ou non-consentement et à entendre ce qu’expriment les autres.

Le consentement comme condition pour qualifier les violences

En France, le consentement, ou plutôt l’absence de consentement, est l’une des conditions nécessaires dans la qualification de nombreuses violences (sexisme, harcèlement sexuel ou sexiste, agressions sexuelles, harcèlement moral...). C’est notamment par les termes « imposer » (code pénal) ou « faire subir » (code du travail) que la loi vient condamner des agissements imposés à l’encontre du consentement d’une personne.

C’est généralement à la personne victime de prouver qu’elle n’a pas consenti. Sans manifestation de son non-consentement, la loi tend à présumer qu’il existe. C’est le cas notamment dans la définition des agressions sexuelles et du viol (articles 222-22 et 2222-23 du code pénal) ; si l’on prouve la « menace, violence, contrainte ou surprise » c’est qu’il n’y a pas eu consentement. Le consentement est donc défini par ce qu’il n’est pas.

A contrario, dans d’autres pays, le consentement est caractérisé par un « oui » explicite, ce qui revient à dire que « tout ce qui n’est pas oui, est non ». Ainsi, la définition du viol est plus exhaustive. L’Espagne, la Suède ou encore le Japon font partie des pays qui ont, au cours des cinq dernières années, adopté cette nouvelle définition. Leurs lois sont basées sur la Convention d’Istanbul de 2011 contre les violences faites aux femmes (le viol y étant défini dans son article 36 comme étant « la pénétration vaginale, anale ou orale non consentie, à caractère sexuel, du corps d’autrui avec toute partie du corps ou avec un objet ») et qui est aussi celle dont souhaiterait se rapprocher la Commission européenne. Pour le moment, la France maintient sa position en la matière, face aux revendications de certaines associations et expertes[1].

Le consentement comme expression de son désir mais pas seulement

Au cours de nos formations, nous échangeons souvent sur l’expression du consentement, notamment dans le milieu professionnel, où se jouent, on le sait, des enjeux de pouvoir. Dès lors, plusieurs questions se posent :

Pourquoi on dit « oui » ? On peut dire « oui » non pas par désir, mais aussi pour d’autres motivations telles que faire plaisir, se faire bien voir, dans l’attente implicite de recevoir quelque chose en échange, ou bien parce qu’on se laisse convaincre voire, à l’extrême limite, on cède par pression ou dans l’espoir que la personne s’arrête là. C’est là que le consentement commence à ne plus être respecté.

A quoi on dit « oui » ? Savoir à quoi on dit « oui » semble simple en pratique : oui pour une mission, oui pour une tâche de travail, oui pour aider, oui pour partager un moment, oui pour s’engager à… Mais encore faut-il être certain·e de savoir jusqu’où on dit « oui », pour combien de temps, pour quels résultats ou pour quelle satisfaction retirée. C’est là qu’il faut être explicite et précis dans les demandes que l’on formule.

Pourquoi est-ce difficile de dire « non » ? On peut ne pas vouloir vexer, créer de la gêne, ne pas vouloir décevoir, parce qu’on pense que l’autre attend ça de nous, parce qu’on pense qu’on n’a pas le choix, ou que cela peut se retourner d’une façon ou d’une autre contre nous, voire on peut être sidéré·e ou se sentir en insécurité. C’est là qu’il faut laisser le temps et l’espace à la personne pour qu’elle puisse dire « oui » ou « non » de manière sincère et informée.

Ainsi, le consentement doit se rendre le plus explicite possible pour éviter les situations de quiproquo, de gêne voire de violence.

Bien pratiquer le consentement

En formation, nous présentons les différentes caractéristiques du consentement [2], qui doit être :

  • Enthousiaste, c’est-à-dire qu’au moindre doute, je peux demander à la personne si elle est d’accord. On peut poser la question à tous les stades.
  • Libre et éclairé : céder n’est pas consentir, si la personne ne manifeste pas un « oui », je n’insiste pas.
  • Réversible : ce n’est pas parce que je dis oui une fois, que je dis oui pour toutes les autres fois. Il est temporaire : à tout moment je peux changer d’avis.
  • Spécifique : le consentement n’est pas extensible : je peux consentir à une chose mais pas à d’autres.

Dès lors, quelles sont les bonnes pratiques sur le consentement ? Voici quelques principes élémentaires :

  • Chercher le consentement de manière pro-active : « tu veux ? ça te dérange ? tu aimerais ? es-tu ok pour… ? »
  • Ne pas présumer ou anticiper ce que pense ou veut l’autre
  • Questionner régulièrement la relation pour savoir si tout va bien, provoquer le dialogue sur les habitudes, les coutumes, l’humour
  • Respecter le « non » comme la limite légitime posée par l’autre pour que son bien-être soit assuré voire pour qu’il ou elle se sente protégée
  • Considérer que poser la question montre surtout qu’on s’intéresse au bien-être de l’autre
  • Vouloir que l’autre se sente en sécurité, en confiance, soi-même
  • Eviter d’insister sur sa déception ou sa frustration face à un « non »

En s’assurant du consentement, on montre surtout qu’on fait attention à l’autre, qu’on se soucie de lui ou d’elle, qu’on en prend soin, créant ainsi une confiance mutuelle, une relation basée sur le respect et la bienveillance où le « non » est possible.

Dans notre vie professionnelle et personnelle, nous ne consentons pas toujours avec envie, tout simplement car en réalité nous avons des engagements, des responsabilités ou qu’on accepte des compromis. Mais dans certaines situations intimes, à risque ou de contraintes, il est essentiel de provoquer la question du consentement, des motivations et de son expression. En résumé : PARLONS-EN, on n’en fait jamais trop.

Références

[1] Les Pièges du consentement, Catherine Le Magueresse, 2021, Editions iXe, 228p

[2] Consentis, Qu’est-ce que le consentement sexuel, 2021

Julie Peigné

Consultante EQUILIBRES

Marc Normand

Consultant EQUILIBRES