Egalité au travail et « Gender fatigue » : un dilemne à résoudre

L’égalité ? Un sujet dont tout le monde parle, dans la société civile, les médias, et qui alimente, dans le  cadre  professionnel,  bon  nombre  de  débats.

Résultat : l’apparition d’un nouveau phénomène d’usure appelé la « Gender fatigue ». Si l’on considère que l’égalité au travail est bien l’affaire de tous et de toutes, cette Gender fatigue n’offre-t-elle pas une nouvelle opportunité ? Celle de mettre en perspective la place des hommes au cœur de ces enjeux d’entreprise.

 

COMBAT SUR LE « PAS ASSEZ » ET SENTIMENT DE « TROP PLEIN »

Apparue aux USA en 2009, la Gender fatigue révèle, en particulier en France, deux perceptions quasiment antinomiques de l’égalité, naviguant entre « le pas assez et le trop plein ». Traduisant d’un côté la fatigue de celles et ceux qui combattent les  inégalités  et  considèrent  que  les  résultats  en  matière  d’égalité et de mixité se font attendre, et que ce n’est pas encore assez, la Gender fatigue reflète d’un autre côté une forme d’agacement, voire d’exaspération sur le sujet de l’égalité. On en ferait trop sur le sujet et on en ferait trop pour les femmes. Ainsi, les actions positives mises en place dans les entreprises spécifiquement à destination des femmes, comme des programmes de mentorat qui leur sont réservés ou les quotas de 40% dans les Conseils d’Administration de la loi Copé-Zimmermann de 2011, alimentent, chez certaines personnes, ce sentiment de trop plein, de Gender fatigue. C’est ce que met notamment en évidence une étude sur les stéréotypes et la mixité parue en avril 20181.

Pourtant, malgré des avancées législatives et des progrès incontestables en matière d’égalité au travail, des inégalités persistent et restent cramponnées à la « loi des 80/20 »  : 80% des temps partiels, pas loin de 80% des tâches domestiques du côté des femmes, moins de 20% des métiers mixtes et toujours 20% d’écart de salaire entre les femmes et les hommes.

Alors, comment faire pour atténuer ce sentiment de trop plein, tout en continuant le combat sur le pas assez ?

 

IMPLIQUER LES HOMMES, SORTIR DES STÉRÉOTYPES DE GENRE

La réponse ne saurait être unique et les leviers et axes d’amélioration sont bien entendu multifactoriels. Mais réfléchir (de nouveau) à la place des hommes dans la résolution de ce dilemme est nécessaire. Et cette réflexion passe par une prise de conscience des normes imposées par les stéréotypes de genre, aussi bien du côté des hommes que du côté des femmes.

Ces stéréotypes perpétuent une répartition traditionnelle des rôles masculins et féminins entre la sphère professionnelle et personnelle, ainsi que des normes comportementales au

travail. Ils sont pourtant en décalage avec les évolutions sociétales majeures advenues depuis les années 60 : les femmes ont massivement investi le monde du travail, les couples sont majoritairement biactifs, les constructions familiales ont muté, et surtout l’identité masculine a évolué, accompagnée de nouvelles attentes à la fois professionnelles et personnelles.

Pour sortir de ces normes de genre, souvent dépassées, et éviter le sentiment d’usure et d’exaspération vis-à-vis de l’égalité, il est donc impératif de repenser la place des hommes dans les politiques d’égalité au travail.

 

DÉCLINER LES BÉNÉFICES DE L’ÉGALITÉ AU TRAVAIL AU FÉMININ ET AU MASCULIN

Cela permettra tout d’abord de ne pas dresser des catégories de salarié·es les unes contre les autres : les femmes contre les hommes, les jeunes contre les seniors,... Cela représentera également une opportunité pour les entreprises de fédérer tous les salarié·es sur un sujet qui les concerne fortement :

la conciliation harmonieuse de leurs vies professionnelle et personnelle. Impliquer davantage les hommes dans les politiques d’égalité au travail pourra enfin sortir les femmes du positionnement « minorité discriminée ou fragile » qui, finalement, peut leur nuire pour s’intéresser aux inégalités vécues par tous les salarié·es.

 

Pascale Pitavy

1.Étude européenne sur les stéréotypes et la mixité dans les grands groupes, Women Initiative Foundation, avril 2018