Ce que peuvent faire les hommes pour l’égalité professionnelle

En ce lundi 18 septembre a lieu la Journée internationale de l’égalité de rémunération de l’ONU. Or, selon l’INSEE, le revenu salarial moyen des femmes travaillant dans le secteur privé en France en 2023 reste inférieur de 24% à celui des hommes. Ainsi, en dépit de la multiplication de politiques publiques contraignantes depuis la loi Roudy de 1983 sur l’égalité professionnelle, l’Observatoire des Inégalités (OI) rappelle qu’au rythme des dernières années, il faudra plus de trente ans pour éliminer cet écart. Si l’intervention du législateur paraît nécessaire pour atteindre l’égalité salariale, et in fine l’égalité économique et professionnelle, cette dernière ne pourra être atteinte sans le concours des hommes. Comment ?

D’abord, en tant que collègue, manager, ou patron, en refusant dans son entreprise les disparités salariales à compétences et temps de travail identiques. Plusieurs études[1] démontrent que les femmes osent moins demander des hausses salariales, et formulent en moyenne des demandes d’augmentation moins ambitieuses, que celles de leurs pairs masculins. D’autres soulignent que les femmes sont moins rémunérées car leur activité professionnelle est encore trop souvent perçue comme une source complémentaire de revenu pour le foyer, et non comme une source principale. Dans tous les cas, il convient donc de soutenir – ou de mettre en place lorsque sa fonction le permet – des politiques de transparence de rémunération, afin de déceler et de rectifier les différences de rémunération injustifiées entres des hommes et des femmes ayant le même poste à compétences et expérience égales.

Ensuite, en rendant le monde du travail plus accueillant pour les femmes. En premier lieu, cela implique de prendre proactivement part à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles en milieu professionnel. Un tiers[2] des femmes ont par exemple été victimes au moins une fois dans leur carrière de harcèlement sexuel. Les conséquences sont pénalisantes tant sur le plan de la santé physique et mentale que sur le plan économique : nombreuses sont les femmes dont la carrière a été bridée par la perte de confiance que ce type de situation peut générer, voire, dans les pires cas, directement brisée par l’auteur des faits de harcèlement. Ainsi, lorsqu’on est témoin ou mis au courant de ce type de situation, il faut, quel que soit son rôle au sein de l’entreprise, réagir pour y mettre fin. Que faire ? En parler auprès du personnel des ressources humaines ou du référent harcèlement sexuel de son entreprise (dont la présence est obligatoire depuis le 1er janvier 2019 dans toutes les entreprises de plus de 250 salariés et salariées) ou de son Comité Social d’Entreprise lorsqu’il y en a un. En second lieu, en adoptant des comportements inclusifs. Il s’agit là par exemple d’octroyer réellement à chaque participant et participante d’une réunion la possibilité de s’exprimer et de ne pas couper la parole[3]. Il s’agit aussi de proscrire l’humour sexiste[4] avec la même rigueur que l’on proscrit l’humour raciste, et d’éviter d’avoir recours à un langage excluant, à l’instar d’expressions comme « les gars ».  

 

En outre, il est également question de s’interroger sur l’impact de nos biais inconscients sur la façon dont on jauge la performance d’une collaboratrice : le fait-on d’une façon qui garantisse qu’elle soit évaluée selon une méthode dénuée de stéréotypes de genre ? Avons-nous strictement les mêmes attentes et exigences professionnelles à son égard par rapport à ses collègues masculins ? Lorsqu’intervient la parentalité, c’est rarement le cas. L’universitaire Américaine Victoria Budson[5] rappelle que les entreprises ont souvent des attitudes divergentes vis-à-vis d’hommes et de femmes qui ont leur premier enfant : on pensera que l’homme va être plus impliqué dans son travail car « il devient père de famille, il sera désormais en quête d’argent et de stabilité pour son foyer » tandis qu’une femme le sera moins car « elle va devoir s’occuper de son bébé ». Deux poids, deux mesures, face au même événement, ce qui a un impact sur l’égalité professionnelle.

Enfin, pour ceux qui sont concernés, en agissant au sein de son couple ou de son foyer. Selon l’Institut Européen pour l’Egalité de Genre (EIGE), l’inégale répartition des activités de soins non rémunérées au sein des ménages, essentiellement réalisées par les femmes, est directement liée aux inégalités salariales. Or, ce même organisme souligne qu’en France, seulement 40% des hommes salariés participent quotidiennement aux activités de soin non-rémunérées, telle la garde d’enfants, contre 80% des femmes. De surcroît, l’OI rapportait en 2016 que seuls 36% des hommes consacraient une heure chaque jour à la cuisine et aux tâches ménagères, contre 80% des femmes. Comme l’indiquent les travaux[6] de la chercheuse Haude Rivoal, le monde du travail semble fonctionner sur le principe que les femmes continueront de s’occuper des enfants. Il faut s’éloigner de ce schéma de pensée et organisationnel.

En adoptant ces comportements, chacun peut jouer un rôle direct et concret en faveur de l’égalité professionnelle et rendre le monde du travail plus accueillant, responsable et serein, avec à la clef des retombées en matière de performance économiques et de bien-être.

Marc Normand

Consultant et formateur en égalité professionnelle et en diversité & inclusion

SOURCES :

[1] Tobi Thomas, “Women who ask for pay rise less successful than men, UK poll reveals”, The Guardian, le 3 avril 2022, URL : https://www.theguardian.com/world/2022/apr/03/women-who-ask-for-pay-rise-less-successful-than-men-uk-poll-reveals

[2] « Harcèlement sexuel au travail : 1/3 des femmes victimes », Le Figaro, le 28 février 2018, URL : https://www.lefigaro.fr/flash-eco/2018/02/28/97002-20180228FILWWW00025-pres-d-1-femme-sur-3-victime-de-harcelement-sexuel-au-travail.php

[3] Jacobi & Schweers, “Justice, Interrupted: The Effect of Gender, Ideology and Seniority at Supreme Court Oral Arguments”, Virginia Law Review 1379, 2017, URL : https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2933016

[4] Emilie Fréchet, « L’humour en entreprise, ne peut-on vraiment plus rien dire ? », Human & Work - les podcasts,  le 15 mai 2023, URL : https://open.spotify.com/episode/3VH0acrLH2yDxa1dj1ivHS?si=1fKHpy6sTNWFJYv0Ghu8dQ&nd=1

[5] Victoria Budson, “Gender, Equity & Prosperity”,  2017, URL : https://www.youtube.com/watch?v=NRqEGoqxk4A

[6] Haude Rivoal et Victoire Tuaillon, « L’entreprise, ce monde d’hommes », Les Couilles sur La Table, URL : https://www.binge.audio/podcast/les-couilles-sur-la-table/lentreprise-ce-monde-dhommes