Atteindre l’égalité des chances à travers l’éducation, un défi mondial

L'égalité des chances en matière d'éducation est un enjeu mondial, parfois associé de façon erronée aux seuls pays en voie de développement. En effet, même dans des pays développés comme la France, les disparités éducatives sont une source d’inégalités pour les différentes étapes de la vie. L'UNESCO définit l'égalité des chances comme "la création de conditions égales pour que tous les individus puissent réaliser leur potentiel, indépendamment de leur origine sociale, de leur genre, de leur race ou d'autres caractéristiques personnelles".  La Journée Mondiale de l’Égalité des Chances, célébrée le 5 décembre, vise à sensibiliser à cette question cruciale qui touche le monde entier.

Tour d’horizon des inégalités persistantes dans l’accès à l’éducation

L’accès à une éducation de qualité est un droit fondamental et un levier essentiel pour favoriser la mobilité socio-économique, lutter contre la pauvreté et ainsi égaliser les chances dans la société. Au cours de la dernière décennie, des progrès notables ont été réalisés pour améliorer l’accès à l’éducation, mais des inégalités persistantes subsistent, au niveau national et mondial. En France par exemple, moins de 35 % des personnes issues des 1 % des familles aux revenus les plus faibles accèdent à l'enseignement supérieur, par rapport à 90 % des étudiants issus des familles les plus aisées. De plus, seuls 30 % des étudiants de milieux défavorisés obtiennent un diplôme, comparé à 80 % des étudiants des familles aisées [1]

Ces chiffres mettent en lumière l'existence de barrières systémiques qui entravent la progression des jeunes issus de milieux modestes dans le système éducatif français. Les statistiques sont éloquentes : les enfants de familles très défavorisées ont 2,5 fois moins de chances d'obtenir un diplôme supérieur que leurs pairs issus de familles aisées [1]. Les données révèlent que le milieu socioéconomique joue un rôle majeur dans la réussite scolaire des élèves. Le niveau de revenu des parents influe sur les compétences des élèves en écriture et sur les filières qu'ils choisissent. Les élèves dont les parents n'ont pas fait d'études supérieures sont plus enclins à opter pour des voies professionnelles au secondaire, ce qui peut entraîner des répercussions sur leur future employabilité. Les jeunes adultes n'ayant pas achevé le deuxième cycle du secondaire se retrouvent désavantagés, avec un taux de chômage près de deux fois plus élevé que celui des jeunes plus qualifiés.

A l'échelle mondiale, le rêve d'une éducation de qualité pour tous demeure un objectif essentiel. Mais la réalité actuelle, telle que révélée par la publication "Regards sur l'éducation 2021" de l'OCDE, montre qu’il reste beaucoup à faire, et ce, dans de nombreux pays... En effet, un adulte sur cinq dans les pays de l'OCDE n'a pas atteint le deuxième cycle du secondaire, ce qui souligne l'ampleur des inégalités en matière d'éducation [2]. Selon les Nations Unies, les chiffres sont alarmants : plus de 260 millions d'enfants et d'adolescents n'étaient pas scolarisés en 2018, soit près d'un cinquième de la population mondiale de ce groupe d'âge. De plus, plus de la moitié de tous les enfants et adolescents du monde ne possèdent pas le niveau minimal de compétences en lecture et en mathématiques [3].

Or, les personnes ayant eu accès à une éducation de qualité ont plus d'opportunités dans la vie, qu'il s'agisse de trouver un emploi, de poursuivre des études supérieures ou de contribuer à la société.

La pandémie de COVID-19 a exacerbé les inégalités éducatives en causant des pertes d'apprentissage dans la plupart des pays. Cela a eu un impact dévastateur sur la réalisation de l'objectif d'achèvement universel du cycle secondaire d'ici à 2030 (Objectif #4 des Objectifs de Développent Durable des Nations Unies [4]). Sans mesures supplémentaires, 84 millions d'enfants et de jeunes resteront non scolarisés, et environ 300 millions d'élèves n'auront pas les compétences de base nécessaires pour réussir dans la vie.

Des inégalités présentes sur tout le cycle de formation

Autre point à souligner, ces inégalités portent à la fois sur la formation initiale mais également sur la formation continue. Selon un article de l’Observatoire des Inégalités sur les disparités d'accès à la formation professionnelle [6], il est constaté que près de la moitié des salariés en France ont suivi une formation professionnelle dans l'année ; cependant, les chiffres montrent des disparités significatives. Par exemple, seulement un quart des salariés des petites entreprises ont bénéficié de formations, tandis que ce chiffre s'élève à 63 % dans les plus grandes entreprises. De plus, les personnes les plus diplômées ont davantage accès à la formation professionnelle que celles qui sont sorties du système scolaire sans diplôme. Il y a donc de belles opportunités encore à saisir pour les PME et TPE de contribuer à combler la brèche.

Les inégalités persistent également en fonction de la situation sur le marché du travail et du niveau de diplôme. Les salariés en emploi ont plus de chances d'avoir suivi une formation professionnelle au cours des douze derniers mois, avec un taux d'accès de 51 %. En revanche, ce taux est de seulement 34 % pour les demandeurs d'emploi et de 9 % pour les inactifs non retraités. De même, les personnes ayant un diplôme du supérieur long ont un taux d'accès à la formation de 65 %, tandis que ce taux diminue à 15 % pour celles qui n'ont aucun diplôme ou certificat d'études primaires [6].

Une inégalité des chances accentuées par certains critères socio-biographiques individuels

Le rapport de l’OCDE souligne également l'influence de l'origine et du genre sur le parcours éducatif. Par rapport aux origines, les chiffres montrent que les immigrés de première et deuxième génération ont des taux de réussites plus faibles, et cela dans quasiment tous les pays où des données sont disponibles. Les disparités de genre, elles aussi, persistent. Les femmes, sont confrontées à des difficultés sur le marché du travail, gagnant moins que les hommes, même à niveau d'études équivalent. Selon le Baromètre Sexisme [5], plus d’1 femme sur 5 a déjà vécu un écart de salaire avec un collègue homme à poste égal ou compétences égales, une proportion qui s’élève à plus d’un tiers (37%) pour les cadres.

Ces différences d’opportunités sont d’autant plus critiques lorsque la mobilité sociale est limitée. En France, seuls 9,7 % des enfants issus des familles les plus pauvres parviennent à rejoindre les 20 % des ménages les plus aisés à l'âge adulte, soit 4 fois moins que les enfants des familles aisées. Cela souligne la persistance des inégalités économiques d'une génération à l'autre.

Porter un engagement fort pour l’égalité des chances à travers la mise en place de politiques éducatives et sociales ambitieuses

Sans crier à la solution miracle, il est clair que pour réduire ces inégalités, il est essentiel de mettre en place des politiques éducatives et sociales qui favorisent l'accès équitable à l'enseignement supérieur et encouragent la mobilité sociale. Cela nécessite un engagement continu des autorités, des établissements éducatifs et de la société civile.

Pour atteindre le fameux Objectif#4 des ODD, un financement accru est également essentiel. Plus de 79 pays à revenu faible ou intermédiaire (tranche inférieure) doivent combler un déficit de financement annuel moyen de 97 milliards de dollars pour atteindre les cibles nationales de référence. Cela nécessite de faire de l'éducation une priorité nationale d'investissement, de rendre l'enseignement gratuit et obligatoire, d'augmenter le nombre d'enseignants, d'améliorer les infrastructures scolaires de base et de s'engager dans une transformation numérique.

La formation continue, un levier entre les mains des entreprises

Il est important de reconnaître que la formation continue joue un rôle clé dans l'amélioration des compétences et des connaissances de la population adulte active, ce qui peut favoriser leur mobilité sociale et leurs opportunités professionnelles. Cependant, il est crucial de veiller à ce que ces opportunités de formation soient accessibles à tous, indépendamment de leur origine sociale ou de leurs antécédents éducatifs.

Les entreprises ont un rôle crucial à jouer dans la promotion de l'égalité des chances en matière de formation continue. Ce chemin passe par la mise en place des politiques internes visant à soutenir la formation et le développement professionnel de tous les employés, en accordant une attention particulière aux individus provenant de milieux défavorisés ou ayant des lacunes éducatives antérieures. Les entreprises peuvent également collaborer avec les établissements d'enseignement et les organismes gouvernementaux pour créer des partenariats visant à offrir des opportunités de formation continue aux populations défavorisées.

En conclusion, les politiques éducatives et l'engagement des entreprises via la formation continue sont des éléments clés pour lutter contre les inégalités persistantes dans l'éducation et favoriser l'égalité des chances. En travaillant ensemble, les acteurs du monde du travail et de l'éducation peuvent contribuer à créer une société plus équitable où chacun a la possibilité de développer son plein potentiel.

Mariana Raskine

Manager EQUILIBRES